Pourquoi restaurer ?
POUR CONSERVER
La restauration est et demeurera indispensable pour permettre de rétablir la possibilité d’un dialogue entre l’œuvre originale et son admirateur. C’est pourquoi la restauration de l’œuvre altérée doit être faite aux moyens d’interventions réfléchies, intelligentes, sensibles, discrètes, sachant qu’une œuvre médiocre ne peut espérer une amélioration d’une restauration même très élaborée. Il est important de ne pas oublier un principe fondamental : si le peintre dans le choix de sa technique, connaissait les lois du vieillissement des matériaux utilisés, il ne pouvait considérer son œuvre comme finie le jour où il posait ses pinceaux. Il avait nécessairement conscience d’une transformation physico-chimique, de l’évolution du séchage et de la patine du temps. C’est donc d’un original « évolué » dont il faut être conscient et c’est celui-là qu’il faut respecter.
Allégement et dégagement des vernis jaunes
Comment restaurer ?
COMPRENDRE EN RESPECTANT
Tous les moyens et tous les éléments historiques que nous possédons, alliés aux techniques modernes, sont dirigés vers une meilleure compréhension de l’œuvre d’art.
Cependant une approche esthétique de l’œuvre est liée à sa compréhension technique et structurelle parce qu’une relation étroite existe entre l’image et l’assemblage complexe des matériaux en présence.
Les dossiers de laboratoires sont la base d’une connaissance des problèmes et d’une élaboration de travail.
La documentation repose sur les différentes photographies indispensables à la compréhension de l’œuvre.
La ou les photographies en lumière normale, en lumière tangentielle,
La radiographie,
La photographie sous rayonnement ultraviolet,
La photographie sous rayonnement infra rouge.
Ces examens, comme les prélèvements de matières picturales pour la connaissance des matériaux, ajoutent un atout non négligeable au choix de l’intervention.
Le meilleur positionnement pour une restauration idéale consiste à intervenir le moins possible. Ce qui doit être ajouté aux matériaux d’origine le sera dans le respect et la connaissance de tous les paramètres de l’œuvre en question.
La remise en état d’une œuvre d’art ne doit pas appartenir à un mode de conception propre à une époque ou à un goût particulier au risque de la dénaturer. Les restaurations abusives ou de style déplacent l’œuvre par rapport à son époque de création.
Allégement et dégagement des vernis jaunes
Qu’est ce qu’un restaurateur ?
UN RESPONSABLE DE HAUT NIVEAU
Il a reçu une formation dans plusieurs domaines.
Historien d’art, il a une connaissance solide de la peinture.
Pratiquement, son apprentissage de l’art académique, c’est-à-dire dans la plus simple tradition des Beaux Arts, avec des cours de modèle vivant, d’étude documentaire et de copie de tableaux lui permet d’entrer familièrement dans les œuvres des siècles passés.
Scientifiquement, les notions physico-chimiques intégrées permettent de pratiquer les opérations de traitement en réduisant les prises de risques.
La formation scientifique indispensable pour la qualification du Restaurateur ne constitue pas un écran à sa sensibilité mais au contraire une libération.
Sans cesse en progrès, cette profession permet tout autant au restaurateur d’introduire cette sensibilité expressive pour aborder toutes les questions, et se plier aux impératifs intrinsèques d’une œuvre en danger et en tirer le bénéfice d’une meilleure conservation dans le temps.
le système de retouche trivariance
Il s’inscrit dans une Méthode particulière.
Conditionnée par la décomposition de la lumière pour la comprendre il suffit de se rappeler la théorie de la division de la couleur.
Sans entrer dans des détails expliquant les phénomènes optiques et physiques, nous résumons cette méthode par l’introduction des quelques principes qui l’identifient.
Les phénomènes de synthèse additive conduisent à l’application rigoureuse de points colorés distribués sur la lacune en proportions convenables destinés à reconstituer la couleur recherchée.
Lorsque les couleurs sont mélangées sur la palette, même bien choisies, elles s’occultent les unes les autres. Si elles sont posées en épaisseur, elles « bouchent » par des tons fermés, souvent sales, qui obligent à des reprises fréquentes pour obtenir le ton définitif.
Cette opacité créée présente en outre le désavantage de vieillir vite et mal en raison des contradictions chimiques des éléments en présence.
La multiplicité des superpositions accroît en conséquence l’effet néfaste de la soustraction anarchique des lumières par les couches pigmentaires.
La méthode que nous avons privilégiée permet un vieillissement minimal de la retouche et un allègement des matières qui favorise la transparence.
D’autre part cette méthode globale évite la tyrannie de la spécialisation pour un style défini d’œuvres.
Cette méthode pratiquée à l’atelier est applicable à tous les tableaux quelque soit leur époque parce qu’elle est assez précise et définie pour s’adapter au niveau de réintégration exigée par la matière picturale originale.
Même si cette technique semble au départ plus difficile, plus rigoureuse, en fait, elle utilise des moyens très simples.
Une œuvre picturale peut être considérée comme une source de lumière secondaire, la source primaire étant soit le soleil, soit toute autre lumière artificielle. Il manque l’œil du spectateur pour définir la couleur comme un triplet.
La propriété fondamentale de la vision normale est la trivariance.
Toute lumière colorée peut être reproduite par l’addition de trois lumières colorées que nous choisissons pour des raisons d’efficacité physiologique parmi les couleurs primaires ; rouge, jaune, bleue. La juxtaposition de ces trois points colorés purs, grâce au choix de leur intensité (la concentration du pigment) leur positionnement et leur nombre dans la lacune nous permet de reconstituer n’importe quel ton manquant si nous prenons bien le soin d’opérer sur un fond parfaitement blanc (le mastic) qui représente la lumière pour permettre cette addition.
Nous avons là le procédé additif de la synthèse trichrome.
Lorsque nous parlions pour la première fois de notre système personnel de retouches mis
au point sur le tableau de l’école de Fontainebleau Gabriele d’Estrée et sa Sœur en 1972, nous avons pu nous rendre compte de l’éventail très largement ouvert d’une méthode rigoureuse.
Elle offre une parfaite réversibilité, par le choix des composants chimiques et par la faible quantité utilisée.
Elle est stable dans le temps, renforcée par ce choix des matières de retouches qui a été étudié au préalable en laboratoire afin d’obtenir le vieillissement minimal.
Trente ans après sa mise au point, l’observation montre les excellents résultats de cette retouche selon la trivariance visuelle comparativement à une retouche moins technique.
C’est la préparation de la retouche par juxtaposition de points colorés
La restauration des peintures
La restauration est un métier difficile et noble qui ne souffre pas de médiocrité. Les problèmes de la restauration des peintures d’art présentent des caractères spécifiques qui interdisent d’emblée la tendance naïve du profane à croire qu’il suffit de manier adroitement la palette pour porter remède au mal subit par les œuvres d’art. C’est alors le désastreux « embellissement ». L’injure du temps est inéluctable mais également le progrès scientifique.
Le restaurateur doit faire l’effort de passer d’un style à un autre afin de s’en imprégner. Son voyage dans le temps lui permet de pénétrer l’esprit de l’artiste. Pour faire court, s’exprimer en artisan muni d’un savoir faire doublé d’une connaissance scientifique des plus pointues, c’est être prêt pour porter remède aux œuvres avec le maximum de sécurité et d’efficacité.
La restauration est, dans beaucoup de cas, indispensable pour établir un dialogue entre l’œuvre et son admirateur. Actuellement une bonne restauration est étayée par une documentation scientifique incontournable. Le caractère de l’œuvre ne doit en rien être altéré dans sa « remise en état ».
Il ne faut pas en faire « trop », ni « interpréter » l’essentiel. La rigueur, la maîtrise d’une technique et le respect font partie d’une restauration responsable.
Notre technique spécifique en matière de retouche, qui fait appel à la connaissance des lois de mélanges optiques additifs de lumières colorées, offre la réversibilité, une finesse, une légèreté et une transparence que soutient une véritable politique de sauvegarde.
œuvre en cours de restauration
Parmi les œuvres les plus réputées restaurées par I.AC.C. figurent :
- Dirck Bouts, « La Déploration du Christ », Musée du Louvre
- Hans Memling, « Saint Jean et Sainte Madeleine », Musée du Louvre
- Maître des Anges Rebelles, « Les Anges rebelles et Saint Martin », Musée du Louvre
- Ecole de Fontainebleau, « Les Dames aux bains », Musée du Louvre
- Louis Le Nain, « Réunion d’amateurs », Musée du Louvre
- De Champaigne, « La Cène », Musée du Louvre – Oudry, « Butor et perdrix », Musée du Louvre
- Fragonard, « Le taureau à l’étable », Restauration pour une collection particulière avant donation au musée du Louvre
- Goya, « Asensio Julio », Restauration pour une collection particulière avant donation au musée du Louvre
- Goya, « La Marquise de Las Mercedes », Musée du Louvre – Monet, « Impression soleil levant», Musée Marmottan
- Matisse, « Le peintre et son modèle », Musée national d’Art Moderne
- Largillierre « Portrait de mademoiselle Marie-Madeleine de la Fayette », collection privée
- Klimt, « Cavalier d’or », Collection particulière
- Largillière, « La Comtesse de Noirmont », Collection particulière
- Portrait de Louis XV en armure sous sa tente, atelier de Carle Van Loo, collection particulière
- Botticelli, portement de croix
- Divers tableaux de collections privées comme : Juan Gris, Picasso, Manet, Courbet, Modigliani, etc.
Proposition d’intervention sur un tableau de DAVID
La demande des propriétaires étant très précise, le tableau tel qu’il était, n’avait plus aucun intérêt ni valeur picturale, aussi fallait-il tenter même l’impossible. Il n’y a pas d’intervention nécessaire sur le support entoilé.
C’est grâce à l’aide de la radiographie que nous avons pu expliquer au propriétaire à la fois l’état de l’oeuvre et les possibilités qui s’offraient pour lui redonner un aspect plus proche de ce qu’avait pu être l’original. C’est pourquoi nous avons proposé un travail en deux temps :
Pour la première partie, il était donc nécessaire d’éliminer les gros vernis jaunes, la totalité des repeints, des mastics et à ce moment là de ce rendre compte jusqu’où il était possible de se rapprocher d’une oeuvre du XIXe siècle.
La deuxième partie correspond au masticage des accidents, des reprises des usures et de la reconstitution des zones lacunaires. Certains documents appartiennent au propriétaire et ne peuvent être diffusés, entre autre la radiographie.
Rapport d’intervention
Tests de nettoyage
Un solvant étudié pour ce cas permet d’enlever les premiers vernis résineux et la superficialité de quelques repeints. La peinture, une fois dépouillée de ces rajouts nombreux et couvrants, présente une belle matière originale qui a retrouvée une clarté, une transparence nacrée pour le visage qui est donc en meilleur état que le reste comme nous le devinions par la radiographie.
Pour le buste, il en est tout autrement, bien que conforme à la vision de la radiographie, nous sommes en présence d’une pellicule picturale très usée, avec de nombreux endroits lacunaires, mais nous retrouvons des parties d’original de qualité qui étaient recouvertes par les repeints épais et débordants et sans aucune perspective. Les accidents en creux sont fermés par des mastics. Ils sont travaillés en matière, c’est-à-dire que nous recréons le relief de la matière picturale qui se trouve proche afin de respecter et d’obtenir une continuité entre le mastic et la pellicule originale, ceci sans débordement.
Ce choix est conduit par le fait que la couleur posée est seulement un « ton coloré » et non pas une matière épaisse de remplacement, c’est la matière en relief du mastic qui tient ce rôle.
Rapport d’intervention N°2
La seconde partie est la plus longue et la plus délicate. Le choix d’une retouche basée sur la transparence s’impose. Le matériau sur la palette est composé de pigment pur lié à la résine. Pour la retouche sur les mastics, un premier à-plat est posé, d’une couleur pure, froide et plus ou moins diluée selon la teinte à trouver mais jamais en épaisseur ; (pas d’utilisation de blanc ni de noir sur la palette), nous procédons à une superposition d’une couleur complémentaire selon les besoins jusqu’à atteindre la couleur voulue. Les mélanges ne se font pas sur la palette mais seulement par des superpositions de tons purs ajustés sur la lacune, ceci permet un excellent vieillissement de la retouche.
Pour le buste et les autres zones épidermées et lacunaires, la reconstitution se fait par juxtaposition toujours de couleur pure, le jeux entre la couleur et sa complémentaire, toujours sans utiliser ni blanc ni noir. Le tissage entre les zones vides et les parties originales permet de reconstituer des valeurs qui avaient disparues. Les difficultés rencontrées étaient la précision, à la fois du ton qui ne peut être que posé en une fois et de respecter juste la lacune ou l’usure pour éviter le débordement qui entraînerait une surcharge malencontreuse.
Un léger vernis de résine naturel a été choisi pour équilibrer l’aspect final satiné.
En cours de réintégration après dégagement des anciens repeints